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La vaccination et les bonnes pratiques en élevage

Si vous recevez cette Newsletter dans votre boite mail c’est très probablement que les chantiers de vaccination de truies et porcelets font partie de votre quotidien en élevage. 

De nos jours, la prévention est un maître mot afin de limiter la gestion d’épisodes infectieux récurrents pouvant engendrer des pertes économiques importantes liées à (i) des ralentissements de croissance, (ii) des coûts de traitement élevés, (iii) des pertes d’animaux et (iv) une atteinte du bien-être des animaux et des éleveurs. 

La vaccination a pris une place importante en élevage, tant sur les truies que sur les porcelets. Cet article reprend les éléments majeurs liés à la vaccination : pourquoi vacciner ? Contre quoi et pourquoi vaccine-t-on les truies ? Contre quoi et pourquoi vaccine-t-on les porcelets ? Et quelles sont les bonnes pratiques pour optimiser la qualité d’une vaccination ?

1/ Principe de la vaccination

Vacciner un individu (porc comme toute autre espèce) contre un agent pathogène a pour but de préparer une réaction immunitaire rapide lorsque l’individu sera exposé à une souche « sauvage » (circulant en élevage) afin que l’expression clinique de la maladie soit limitée voir inapparente. 

Lors de la vaccination, la stimulation du système immunitaire se fait notamment grâce à des antigènes (= éléments viraux ou bactériens dont le potentiel infectieux a été inhibé), qui sont reconnus par les cellules immunitaires produisant des anticorps. Ces anticorps sont des protéines qui se lient spécifiquement à l’antigène et activent les systèmes d’élimination de cet antigène.

Cette première activation du système immunitaire via l’antigène vaccinal est enregistrée grâce à des lymphocytes mémoire qui s’activeront en cas de reconnaissance d’un antigène connu et favoriseront une production rapide d’anticorps.

L’antigène sélectionné pour le vaccin est commun avec les souches circulant en élevage, ainsi lorsque l’individu vacciné est exposé à une souche sauvage, son système immunitaire répond rapidement en produisant les anticorps adaptés, limitant la multiplication de l’agent pathogène dans l’individu ainsi que les signes cliniques liés et permettant son élimination rapide. 

Afin d’obtenir une bonne quantité d’anticorps circulants et avoir une mémoire immunitaire durable, il est important d’exposer l’organisme de façon répétée un même antigène à 3-4 semaines d’intervalle (Figure 1). Ensuite, de nouvelles expositions plus espacées permettront de booster à nouveau le taux d’anticorps circulants. Certains adjuvants (=support du vaccin modulant la réaction immunitaire) activent suffisamment le système immunitaire pour faire une seule injection.

figure 1 shéma primovaccination en 2 injections

Figure 1: Schéma présentant la réponse en anticorps dans le cadre d’une primovaccination en 2 injections. Source: Blin A, Principe de la vaccination

Sur la Figure 1, la première stimulation antigénique correspond à une première dose de vaccin. Elle entraîne une petite montée du taux d’anticorps lente avec un délai de latence de 10 jours et une chute rapide (en 20 jours plus rien). Toutefois, cette première exposition permet la mise en place du système mémoire. A la seconde dose de vaccin (stimulation antigénique secondaire), le taux d’anticorps augmente quasi instantanément (grâce à la reconnaissance du système mémoire) pour atteindre un niveau plus élevé avec ensuite une décroissance qui sera plus lente. Ensuite chaque injection supplémentaire (rappel vaccinal) engendrera un tel pic.

2/ La vaccination des truies

Deux objectifs pour cette vaccination : la protection (i) des truies et (ii) de leur descendance.

Protection des truies : 

Cette protection concerne surtout les agents pathogènes pouvant avoir un impact sur la reproduction ainsi que certains agents pathogènes respiratoires. Parmi les maladies contre lesquelles les truies peuvent être protégées se trouvent (selon contexte d’élevage): 

  • la parvovirose à l’origine de troubles de la reproduction avec entre autres une augmentation du nombre de momifiés et de la mortalité embryonnaire, 
  • le SDRP à l’origine d’avortements tardifs,
  • les troubles de la reproduction liés au Circovirus impactant le nombre de nés vifs par augmentation des morts-nés/momifiés,
  • la leptospirose à l’origine d’infertilité, d’avortements ou impactant le nombre de porcelets nés vifs,
  • des infections à l’origine d’hyperthermie pouvant provoquer des avortements : la grippe ou le Rouget (même si la vaccination a surtout pour but de protéger les porcelets).
Protection des porcelets :

La vaccination des truies afin de protéger les porcelets pour leurs premières semaines de vie est primordiale car le type de placenta présent chez les suidés empêche le passage d’anticorps de la truie vers ses porcelets durant la gestation. Le porcelet né donc naïf d’un point de vu immunitaire car il n’y a pas de transfert d’immunité dite « passive » (de la mère au petit) in utero. C’est uniquement par la prise colostrale que le porcelet va recevoir les anticorps maternels, d’où l’importance d’une bonne prise colostrale afin de protéger le porcelet contre les premiers agents pathogènes auxquels il peut faire face.

En reprenant les notions de circulation d’anticorps suite aux injections vaccinales (Figure 1), on comprend l’importance du rappel vaccinal sur les truies avant la mise-bas afin de faire remonter le taux d’anticorps circulants qui passeront ensuite dans le colostrum et participeront à l’immunité des porcelets le temps que leur propre immunité (= immunité active) se développe.

Parmi les maladies contre lesquelles les truies sont vaccinées afin de protéger les porcelets se trouvent : 

  • les diarrhées néonatales (Escherichia coli, Clostridiums perfringens/difficile, Rotavirus)
  • le rouget
  • la rhinite atrophique
  • la streptococcie

Pour ce qui est du protocole de vaccination des truies, la meilleure qualité d’immunité est obtenue avec une primovaccination en 2 injections espacées de 3 à 4 semaines en quarantaine et un rappel avant mise-bas. Ce protocole a notamment été validé pour les autovaccins contre le Streptococcus suis (Corsaut et al, 2021).

NB : Dans les élevages, ne pas oublier de vacciner les verrats car ils peuvent aussi être porteurs de certains agents pathogènes et participer à leur circulation.

3/ La vaccination des porcelets

La vaccination des porcelets a pour but de créer une immunité contre les agents pathogènes pouvant affecter l’état de santé des porcelets en post-sevrage ou en engraissement. Ils participent à la mise en place de l’immunité propre du porcelet (immunité active) après la chute de l’immunité maternelle. 

Les porcelets peuvent être vaccinés contre les maladies suivantes, selon contexte d’élevage :

  • Maladies respiratoires : Pneumonie enzootique à Mycoplasma hyopneumoniae, pleuropneumonie à Actinobacillus pleuropneumoniae, Syndrome Dysgénésique et Respiratoire Porcin (SDRP).
  • Maladies digestives : colibacillose de post-sevrage à E. coli F4/F18,  iléite proliférative à Lawsonia intracellularis, Maladie de l’OEdème (vaccination anti-toxine Stx2e).
  • Maladie systémiques : Maladie d’Amaigrissement du Porcelet (MAP) et le complexe de maladies associées au PCV2, Maladie de Glasser liées à Glaesserella parasuis, streptococcie à Streptococcus suis pour des cas en engraissement.

La vaccination des porcelets est souvent faite avec des vaccins dits monodose, soit en une seule injection. L’adjuvant composant le vaccin permettant une réaction du système immunitaire adaptée pour protéger les porcelets soit autour de l’âge critique notamment pour les maladies liées à E. coli ou suffisamment longtemps, du sevrage jusqu’au départ à l’abattoir pour les maladies de fin de post-sevrage et engraissement (environ 20 à 23 semaines d’immunité).

4/ Bonnes pratiques de vaccination

Afin d’induire une bonne réaction immunitaire suite à la vaccination, il est primordial de respecter des bonnes pratiques de vaccination que ce soit en cas de vaccination des truies comme des porcelets.

Certaines pratiques peuvent varier en fonction du vaccin ou de la voie de vaccination utilisée (intradermique/intramusculaire/voie orale), n’hésitez pas à solliciter votre vétérinaire en cas de doute sur vos pratiques :

Vacciner des animaux en bonne santé

Afin d’avoir un système immunitaire réceptif aux antigènes vaccinaux, il faut que le système immunitaire de l’animal soit disponible et donc non occupé à gérer un autre agent pathogène au risque d’avoir une inefficacité du vaccin. 

Utiliser du matériel propre

Il est important d’avoir du matériel dédié aux vaccins et propre afin de ne pas injecter des germes en même temps que le vaccin au risque de créer des abcès locaux. Matériel propre oui mais pas plein de désinfectant ! Au risque d’inactiver ou d’altérer certains vaccins. 

Il est donc important de nettoyer le matériel réutilisable (pistolet) en fin de séance de vaccination, à l’eau chaude +/- solution nettoyante et surtout bien rincer pour enlever toute trace de désinfectant puis conserver le matériel au propre et au frais (frigo par exemple) afin de limiter le développement de bactéries. Le matériel jetable (aiguilles et prolongateur) sera jeté et renouvelé à chaque séance de vaccination.

Utiliser du matériel adapté

Afin de limiter la douleur au point d’injection lors de vaccination intramusculaire, plusieurs éléments à prendre en compte :

Diamètre de l’aiguille : le plus fin possible en fonction de l’épaisseur du produit afin de limiter de débit et donc la vitesse d’injection. 

Longueur d’aiguille : adaptée au gabarit de l’animal : 9 mm porcelet première semaines de vie, 16 mm au sevrage, 25mm en post-sevrage, 30-40 mm en engraissement et sur cochettes, 50mm sur truies et verrats.

Prolongateur : petit diamètre pour limiter le débit et la vitesse d’injection. Le prolongateur permet de travailler avec plus de souplesse, ce qui permet d’injecter doucement et limite les lésions internes des tissus.

NB : Sur d’autres types de vaccinations comme de l’intradermique ou de la vaccination par voie orale, il est aussi important d’utiliser du matériel propre et adapté afin de garantir une bonne qualité d’injection ou de distribution du produit.

Changement des aiguilles

Les recommandations en terme de changement d’aiguilles sont : 1 aiguille/truie et 1 aiguille/portée ou pour 10-12 porcelets. 

En effet, les pointes d’aiguilles s’émoussent très rapidement (Figure 2) entraînant de la douleur au site d’injection, des lésions des tissus internes et se souillent, permettant la dissémination de germes.

figure 2 image microscopique pointe aiguille neuve après 1 ou 2 injections

Figure 2: Image microscopique d’une pointe d’aiguille neuve, après une et deux injections

Pour les truies, plusieurs risques si la fréquence de changement est trop faible : 

  • Douleur lors de la vaccination 🡪 choc à la vaccination, nervosité des truies lors des séances de vaccination, 
  • Abcès sur la zone d’injection 🡪 risque de baisse d’efficacité du vaccin si un abcès se forme au site de diffusion du vaccin, douleur et fièvre.

Pour les porcelets, la remarque concernant la douleur reste valable, de même pour les abcès et le risque d’injection de germe opportuniste à l’origine d’arthrites.

Préparation des vaccins

A faire selon les recommandations du fournisseur, prendre le temps de refaire le point avec son vétérinaire pour bien valider les procédures de préparation de chaque vaccin.

L’objectif étant d’injecter un produit « réchauffé » à température proche du corps de l’animal afin de limiter la douleur à l’injection et le risque de chocs et bien homogène.

Zone d’injection

Variable selon le type de vaccination, pour rappel la position pour les injections intramusculaires :

zone injection localisation

Figure 3 : Localisation du point d’injection en fonction du gabarit des porcs.

Source : Fiche technique Conduite et Interventions – Traitement. IFIP.

Vitesse d’injection

Objectif : 3 secondes pour 2mL en intramusculaire. 

L’utilisation d’aiguilles fines et de prolongateurs de petit diamètre permettent de réduire le flux de vaccin et d’aller vers ces 3 secondes.

Le respect de ces bonnes pratiques au moment de l’injection permet d’optimiser l’efficacité des vaccins et de limiter le risque de réactions indésirables pour les animaux (chocs juste après injection, formation d’abcès locaux, apparition d’arthrites). Si vous observez ces éléments indésirables dans votre élevage, prenez le temps de valider vos pratiques soit en interne soit avec l’appui de votre vétérinaire. Celui-ci sera aussi là pour vous accompagner si vos pratiques sont bonnes mais que vos animaux restent sensibles lors des vaccinations.

Au vue de l’investissement financier mis dans les vaccins, il est primordial de prendre le temps de bien valider régulièrement les protocoles et pratiques avec son vétérinaire afin que ces vaccins expriment leur plein potentiel en matière de prévention des maladies d’élevage.

 

CORSAUT L., MARTELET L., GOYETTE-DESJARDINS G., BEAUCHAMP G., DENICOURT M., GOTTSCHALK M., SEGURA M. Immunogenicity study of a Streptococcus suis autogenous vaccine in preparturient sows and evaluation of passive maternal immunity in piglets. Vet. Res. 2021.17:72