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La résistance aux antibiotiques chez les pathogènes porcins : E. coli, Mycoplasma spp. et Streptococcus suis – Où en sommes-nous ?

La montée de la résistance aux antibiotiques chez les bactéries en production porcine est une préoccupation croissante pour les vétérinaires et les éleveurs. Dans cette série en deux parties, nous examinerons d’abord l’état actuel de la résistance aux antibiotiques chez trois bactéries critiques affectant les porcs — Escherichia coli, Mycoplasma spp. et Streptococcus suis — et évaluerons si la situation empire et ce que l’avenir nous réserve.

Escherichia coli : Une menace persistante

E. coli, bactérie vivant dans l’intestin des porcs, peut provoquer des maladies graves comme la diarrhée chez les porcelets et la maladie de l’œdème.

En France en 2023, la résistance sur les E. coli en élevage porcins se répartit comme suit :

– 59 % des souches sont résistantes à l’amoxicilline, mais moins de 1 % au ceftiofur.
– 14 % des souches sont résistantes à l’acide nalidixique et 2 % aux fluoroquinolones.
– 5 % des souches sont résistantes à l’apramycine ou à la gentamicine.
– 38 % des souches sont résistantes à l’association triméthoprime-sulfamides.
– 51 % à la tétracycline.
– Un peu moins de 5 % de souches sont résistantes à la colistine.

Ces données sont issues du rapport annuel 2023 du RESAPATH, organisme indépendant chargé de la surveillance de l’antibiorésistance dans les filières animales en France.

A noter que la résistance chez E. coli varie en fonction des pays et des pratiques d’élevage 1.

En France, des souches de E. coli provenant d’élevages en agriculture biologique (AB) ont présenté des niveaux de résistance significativement plus bas par rapport à celles issues de systèmes conventionnels, la résistance à la tétracycline par exemple étant inférieure de 20 à 30 % dans les élevages AB1. La résistance à la colistine — une préoccupation majeure — reste en dessous de 1 % chez des E. coli retrouvés sur des porcs en bonne santé en Europe2. En revanche, des souches résistantes sont plus fréquemment retrouvées dans les cas pathologiques, en particulier chez les porcelets2.

Bien que la prévalence globale des souches résistantes d’E. coli varie, ces tendances soulignent l’efficacité de la réduction de l’utilisation d’antibiotiques et du renforcement de la biosécurité en élevage.

Quelques exemples ci-dessous d’antibiogrammes montrant de nombreuses résistances sur des souches d’E. coli isolées sur le terrain par des vétérinaires EPIDALIS .

Les antibiotiques sont listés dans la colonne de gauche, et la colonne suivante indique si la bactérie est Sensible (S), Intermédiaire (I) ou Résistante (R) :

antibiogramme 1

antibiogramme 2

antibiogramme 3

Mycoplasma spp. : Une résistance émergente chez les agents pathogènes respiratoires.

Mycoplasma hyopneumoniae, principal agent de la pneumonie enzootique, et d’autres espèces comme Mycoplasma hyorhinis montrent une résistance croissante4 aux antibiotiques. Les mycoplasmes, dépourvus de paroi cellulaire, sont naturellement résistants aux β-lactamines (amoxycilline notamment) et aux sulfonamides (TMP-S). En revanche, la résistance aux macrolides (tylosine par exemple) et aux tétracyclines, traitements clés des infections à Mycoplasma est en augmentation en Europe. Cf. point 4

En Europe, les pleuromutilines (tiamuline) sont des antibiotiques très efficaces pour traiter les mycoplasmes, mais une sensibilité réduite a été rapportée sur certaines souches de terrain4. Cela pose un défi, car les pleuromutilines sont souvent considérées comme un dernier recours. Une surveillance et une gestion raisonnées sont essentielles pour atténuer la résistance et garantir l’efficacité des traitements.

Streptococcus suis : Un défi multifacette

S. suis est responsable de maladies graves telles que la méningite et la septicémie chez les porcs. En France les résistances à l’amoxicilline restent très rare (< 1 % en 2023 3) .
En revanche des niveaux élevés de résistance aux macrolides (jusqu’à 60 %) et aux tétracyclines (80-90 %) ont été documentés5. Bien que la résistance aux β-lactamines (amoxicilline par exemple) reste faible, les souches multi-résistantes deviennent de plus en plus courantes, suscitant des inquiétudes quant aux options thérapeutiques5.
Les éléments génétiques mobiles, comme les plasmides, favorisent la propagation des gènes de résistance au sein des populations de S. suis. Cela souligne la nécessité d’outils diagnostiques rapides et d’une meilleure compréhension des mécanismes de résistance pour guider efficacement l’utilisation des antibiotiques.

Ci-dessous un exemple issu d’un élevage suivi par le cabinet de S. suis présentant une multi-résistance :

identification streptococcus suis

Un bilan mitigé

L’état actuel de la résistance aux antibiotiques chez ces 3 agents pathogènes reflète l’impact des mesures proactives de réduction de l’utilisation des antibiotiques :
• Les niveaux de résistance chez E. coli et S. suis se stabilisent pour certains antibiotiques, mais la multi-résistance est en augmentation.
• La résistance chez Mycoplasma spp. émerge, notamment pour les traitements de première ligne comme les macrolides.
• La mise en œuvre réussie de stratégies de réduction des antibiotiques, comme observée dans les élevages biologiques, démontre le potentiel de mitigation.
Dans la prochaine partie, nous discuterons des mesures pratiques que les éleveurs et les vétérinaires peuvent prendre pour lutter contre l’antibiorésistance grâce à la biosécurité, à une utilisation judicieuse des antibiotiques et à des traitements alternatifs.

Références :
1. Österberg et al., 2016: Antibiotic resistance in E. coli in organic and conventional pigs.
2. Kempf et al., 2013: Resistance to colistin in pig farming.
3. Rapport Annuel 2023 RESAPATH, https://www.anses.fr/fr/system/files/LABO-Ra-Resapath2023.pdf
4. Gautier-Bouchardon, 2018: Antimicrobial resistance in Mycoplasma spp..
5. Dechêne-Tempier et al., 2024: Resistance profiles in Streptococcus suis.