En juin 2023, le Parlement européen a exprimé sa volonté, d’ici 2027, de mettre fin à l’élevage en cage pour la truie.
Ce projet, dont les directives ne sont pas encore établies, reflète l’intérêt qu’ont les citoyens pour le bien-être animal en élevage, ainsi que leur perception négative de la mise en cage, quelles qu’en soient les raisons. Car, dans le cas de la contention des truies en maternité, par exemple, la question est lourde d’enjeux.
Nous allons nous intéresser à quatre points :
1. Quels sont les objectifs de la mise en liberté ?
2. Quels types de cases existe-t-il actuellement et celles-ci répondent-elles à ces objectifs ?
3. Quels sont les problèmes à surmonter concernant un passage en case liberté ?
4. Quelles opportunités pour l’éleveur, l’animal et la filière ce passage en maternité liberté ouvre-t-il ?
1 – Libérer les truies en maternité, quels sont les objectifs ?
Le principal objectif de la libération des truies en maternité semble être l’amélioration de leur bien-être. Cependant, parmi tous ces éléments, quels sont ceux considérés comme essentiels autour de la mise-bas et pendant la lactation de la truie ?
La truie a un fort instinct de nidification autour de sa mise-bas. C’est un point fondamental et la clef de l’expression de son comportement naturel et de son bien-être. La libération des truies, pour des raisons de bien-être, devrait logiquement s’accompagner de mise en place de matériaux de nidification (paille, copeaux, toile de jute). Il est à noter cependant que les qualités de ces matériaux diffèrent. La paille et la toile de jute, par exemple, permettent à la truie d’exprimer son instinct de nidification mais, seule la paille, semble pouvoir diminuer son stress et améliorer ses performances (mortalité des porcelets, poids au sevrage). Ce matériel de nidification doit être adapté au sol et à l’organisation du bâtiment.
La truie, une fois libérée, a besoin d’avoir un minimum d’espace et de pouvoir sectoriser son environnement en une zone d’alimentation, de repos et de déjection. Les cases doivent pouvoir répondre à ces besoins. L’Allemagne a fixé par exemple à 6,5m2, la taille minimale des cases liberté. Cependant selon les types de case, la surface peut aller jusqu’à 8m2.
Les cases doivent aussi permettre à l’éleveur de soigner truies et porcelets, d’effectuer des réparations, de nettoyer les déjections en toute sécurité. En effet, les truies en liberté montrent souvent plus d’agressivité.
Si l’on place le bien-être au cœur du passage en liberté, il ne faudrait pas pour autant entraîner une hausse de la mortalité des porcelets. Bien que mal perçues, les cages sont mises en place pour protéger les porcelets des écrasements par la truie. Il faut donc que la case liberté comporte des zones de sécurité pour le porcelet (nid, cloison inclinée, barre de sécurité, etc.).
Enfin, pour l’éleveur, le surcoût financier ne doit pas être excessif et les cases doivent rester un outil facile à manipuler (manipulation des porcelets, nettoyage, etc.)
2. Les types de cases
Nous ne dresserons pas ici la liste exhaustive de tous les modèles de cases proposés.
Il apparait deux grands types d’organisation des cases liberté.
a. Les cases avec possibilité de contention:
La case comporte une cage qui permet de contenir la truie et qui lui permet également, lorsque celle-ci est ouverte, de se tourner sur elle-même ; les barres permettent, quant à elles, la protection des zones pour les porcelets.
Ces cages peuvent-être sur caillebotis (plus pratique à nettoyer) ou sur sol plein. Les porcelets ont un nid et le long des parois, il y a des barrières anti-écrasement ou des murs inclinés.
La case fait entre 5 et 6 m2 au sol
(Espace pour la truie: 3.5 à 6 m2)
AVANTAGES | INCONVENIENTS |
---|---|
Permet de contenir la truie 4j après la mise-bas. Permet l'amélioration pour la survie des porcelets 2 et 6. | Espace pour la truie parfois extrêmement réduit. |
Permet de contenir la truie pour une action de l'éleveur (sécurité de l'éleveur). | Sol souvent en caillebotis -> Plus pratique à nettoyer. |
Compromis bien-être truie / Bien-être porcelet / Bien-être éleveur | Quelle sera la surface minimale obligatoire ? Est-ce que les cases les plus petites sont conformes ? |
Permet +/- de réaménager une maternité bloquée avec ces cases. | |
Permet un nettoyage facilité avec son sol Caillebotis. | Dans le cas d'un réaménagement d'une salle de cases bloquées, faire attention à : - Maintenir des couloirs de taille correcte. - D'avoir des fondations assez solides pour soutenir le poids de la truie sur une plus grande surface. -> Agrandissement de la salle ou diminution du nombre de cases dans la salle quasiment obligatoire. |
b. Les cases en liberté totale:
Les cases en liberté totale sont un peu plus grandes généralement que celles avec possibilité d’enfermer la truie. Le modèle suisse de liberté totale est mis en place depuis 1997 (interdiction des cages de maternité) et permet d’avoir plusieurs aires pour la truie.
c. Bilan avantages/inconvénients de la liberté totale:
AVANTAGES | INCONVENIENTS |
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Liberté complète | Mortalité des porcelets potentiellement accrue si truie non bloquée lors des 1ers jours de mise-bas2. |
Surface plus importante pour la truie | Si sol dur, un peu plus compliqué à nettoyer qu'un caillebottis. |
Surface au sol plus importante | |
Aménagements plus complexes si l'on passe d'une salle conventionnelle à ce modèle. | |
Entretien du matériel de nidification. |
3. Les problèmes à surmonter avec une mise en liberté des truies en maternité.
La principale préoccupation pour les éleveurs que pose la mise en liberté est l’augmentation possible des écrasements et donc une augmentation de la mortalité des porcelets.
Le coût des cases est aussi important, en effet le prix d’une case liberté est 2000 euros plus chère qu’une case avec cage. Au-delà du coût de la case, les bâtiments devront être agrandis ou le nombre de truie diminué. En effet les cases conventionnelles bloquées font environ 4,5m2 là où une case liberté fait 5,5 à 7m2. Afin de conserver des couloirs et zones de passage décents qui permettent à l’éleveur de travailler, il est mathématiquement obligatoire d’agrandir les salles de maternité ou de diminuer le nombre de truies. Tout cela a évidemment un coût qui ne sera pas nécessairement compensé par un cahier des charge si tout le monde adopte ce système. Il est donc nécessaire que cette transition soit financée (par les institutions et le consommateur par exemple) au risque que la production diminue encore et qu’elle ne soit délocalisée dans d’autres pays non européens, où les exigences en terme de bien-être ne sont pas les mêmes.
Enfin la case doit être compatible avec le travail de l’éleveur et lui garantir une sécurité suffisante.
4. Des opportunités malgré tout ? Bien-sûr!
Les risques autour de l’écrasement des porcelets peuvent être limités par :
– La possibilité de contraindre la truie jusqu’à 4 jours après mise-bas (réduction des mortalités de porcelets, sécurité de l’éleveur au soin).
– La mise en place d’un nid en niche de qualité, c’est-à-dire chaud et lumineux et suffisamment grand pour que les porcelets s’y regroupent. Maintenir un gradient de température qui incite le porcelet à dormir dans le nid.
– La mise en place des dispositifs anti-écrasement (barrière, paroi inclinée).
– Le travail sur la sélection des truies et leur comportement maternel (une majorité de truies n’écrasent pas du tout alors que certaines écrasent beaucoup et jusqu’à plus de 21j de lactation).
Le passage en maternité liberté est aussi plein d’opportunités. L’impact sur le porcelet peut être positif. En effet, les truies en liberté consomment plus, ce qui pourrait se répercuter positivement sur le poids de sevrage.
Le fait d’être en maternité liberté oblige à revoir la gestion de l’ambiance des maternités. Avec un aussi grand volume, il est impossible de chauffer toute la salle à 26°C et d’avoir quelques lampes d’appoint (méthode qui ne convient ni à la truie ni aux porcelets). L’utilisation de nid efficace (chaud et lumineux), permet, lui, de concilier les besoins très différents de ceux de la truie et ceux du porcelet et permet également de réduire la consommation électrique en chauffage des maternités.
Le passage en liberté nécessite de sélectionner plus sévèrement le caractère des mères. A terme, si les truies sont plus maternelles, la quantité de travail pour l’éleveur sera moindre.
On peut supposer qu’une meilleure vitalité des truies et la possibilité pour elles de bouger devraient rendre les mise-bas plus faciles.
Les truies sont moins stressées lorsqu’elles sont mises en liberté. Cela peut avoir un effet bénéfique sur leur santé (mise-bas plus toniques, moins d’ulcères, moins de constipation).
La perception négative des maternités par le grand public reste compliquée. Aller dans le sens des attentes du consommateur peut permettre de renouer le lien consommateur-éleveur qui a pu s’effriter.
Conclusion :
La mise en liberté des truies en maternité est un défi auquel les éleveurs doivent faire face. Il est primordial qu’ils puissent être accompagnés et soutenus dans cette démarche. Cette mise en liberté pourrait être positive pour l’image de la filière et s’avérer bénéfique sur le plan économique, sous réserve que les éleveurs soient accompagnés pour changer leurs pratiques.