Dans les années 2009 et 2010, une épidémie de grippe due à un virus Influenza du type A, sous-type H1N1 touche la population française, mais pas que … nous faisons face à une pandémie (épidémie mondiale). Les premiers cas semblent venir du Mexique, en particulier de la ville d’Oaxaca. Cette ville hébergeant un important élevage de porcs, cette grippe est très rapidement appelée grippe porcine même si son origine porcine n’est pas si simple…
Cette épidémie est un exemple parfait pour:
– présenter les virus grippaux.
– comprendre pourquoi et comment ces virus se transmettent et peuvent évoluer au sein des espèces qu’ils infectent.
– apporter un éclairage sur les recommandations des instituts de santé concernant la vaccination des personnes travaillant au contact des porcs.
1/Les virus grippaux
Les virus grippaux, appelés aussi virus Influenza, sont divisés en 7 genres. Globalement en élevage porcin, ce sont les Influenza de type A qui circulent. Pour simplifier, le nom de ces virus est d’ailleurs abrégé en A suivi de leur nom de sous type, par exemple grippe A(H1N1).Ces virus se trouvent chez tous les mammifères dont les Humains, mais on le trouve aussi chez les oiseaux.
NB : chez l’homme des virus d’autres genres circulent, notamment B.
Le support génétique de ces virus est composé d’un seul brin d’ARN. Pour simplifier, l’ARN est une copie de l’ADN qui permet la production de protéines. Il s’agit d’un support génétique dont les systèmes de correction et de réparation sont assez peu performants ce qui entraîne des évolutions rapides, car les mutations non corrigées s’accumulent. Ainsi l’information contenue dans le brin d’ARN évoluera rapidement dans le temps. C’est une des raisons qui amène à changer la composition du vaccin grippal humain tous les ans.
L’ARN des virus Influenza de type A est composé de 8 segments. Cette segmentation de l’ARN permet à deux virus du même genre d’échanger des segments s’ils co-infectent un même individu. Ainsi un nouveau virus peut voir le jour, ce virus sera dit « réassortant ».
Parmi les protéines codées par les segments d’ARN, on trouve deux protéines de surface particulièrement importantes: l’hémagglutinine H(16 types de protéines différentes) et la neuraminidase N(9 type de protéines différentes). Le sous-type du virus découle de ces deux protéines, HxNy.
L’élément majeur à retenir de ce paragraphe est la capacité rapide et importante d’évolution des virus grippaux. Ces évolution se font par deux phénomènes : des évolutions « internes » par des mutations de l’ARN, et les échanges de segments d’ARN avec d’autres virus de même genre en cas de co-infection.
2/L’évolution des virus grippaux intra et inter-espèce
Comme expliqué dans le paragraphe précédent, les virus grippaux ont la capacité de rapidement évolué. Lors de ces évolutions, le virus peut devenir:
– faiblement pathogène. Son expression clinique provoquera peu d’alerte, et le virus ne fera sans doute pas la une de la presse.
– modérément pathogène
– hautement pathogène.
Ce sont ces dernières formes qui sont redoutées par les systèmes de santé car ils peuvent provoquer de grandes épidémies grâce à des potentiels de transmission élevés, des signes cliniques graves etc…
Les recombinaisons peuvent se faire au sein d’une même espèce animale car les individus possèdent les mêmes récepteurs mais ce n’est pas tout. Les virus influenza de type A présentent une capacité de transmission inter-espèce. En effet, les porcs, les humains et les volailles présentent des récepteurs similaires à différents niveaux des voies respiratoires ce qui va favoriser la fixation, la multiplication et d’éventuels échanges d’ARN entre des virus d’espèces différentes.
Ces mélanges sont très fréquents, si on s’intéresse aux virus qui se retrouvent fréquemment isolés sur les porcs : H1avN1 ou H1avN2 avec des hémagglutinines d’origine aviaire, H1huN2 avec une hémagglutinine humaine.
De même, comme expliqué sur le schéma 1 qui représente l’origine supposée du virus responsable de la pandémie de grippe AH1N1 de 2009-2010, les résultats d’analyse génétique laisse supposer une recombinaison de virus porcin, aviaire et humain.
L’élément à retenir de cette partie est le potentiel de transmission aux humains (transmission dite zoonotique) de virus influenza de type A. On a vu aussi que cette infection peut être à l’origine de l’apparition de nouveaux virus pouvant parfois être plus pathogène.
3/ Moi, professionnel en filière porcine potentiellement exposé à des virus grippaux, qu’est-ce que je peux faire ?
Au travers de cet article, on voit que la problématique de la grippe est une problématique qui implique tant les animaux d’élevage que les humains (concept de OneHealth – une seule santé : des humains, des animaux et des écosystèmes/filières).
C’est pourquoi, depuis 2022, la vaccination contre la grippe est recommandée pour tous les professionnels exposés aux virus influenza porcins et aviaires.
Cette vaccination a pour but de limiter le risque de développer la maladie en limitant la multiplication du virus chez des personnes qui ont un fort potentiel de mettre en contact des virus humains et porcins/aviaires dans leurs voies respiratoires. Elle permet aussi la réduction des signes cliniques.
De plus, d’un point de vue du personnel, la vaccination peut protéger contre certaines souches circulant en élevage. En effet, vous pouvez attraper la grippe qui circule dans votre élevage! Nous avons eu au cabinet le cas d’un ancien collègue tombé malade en visitant un élevage avec circulation de grippe.
Mais ce qui est valable dans un sens l’est aussi dans l’autre avec des conséquences économiques pouvant être non négligeables au point de vue de l’élevage. En effet, toute personne atteinte de grippe intervenant dans l’élevage durant la phase d’excrétion du virus pourrait contaminer les animaux de l’élevage…
Cette question de la vaccination contre la grippe est donc à considérer à plusieurs échelles :
– L’échelle individuelle : se protéger, protéger son personnel.
– L’échelle de l’élevage : protéger des conséquences d’une introduction de virus grippal dans l’élevage qui peut avoir d’importantes conséquences à la fois au niveau de la santé des animaux et de l’économie de l’élevage (croissances ralenties, reproduction perturbée, coûts de traitements…)
– L’échelle de la filière : impact économique sur les filières en cas de crise sanitaire.
– L’échelle mondiale : avec la mondialisation, une maladie hautement pathogène fait très vite le tour du monde avec diverses conséquences (regardons dans le rétroviseur 3 ans en arrière pour se convaincre).
Si vous avez des questions autour de la vaccination grippale vous pouvez en discuter avec votre médecin bien-sûr, mais n’hésitez pas à solliciter votre vétérinaire qui est lui-même un intervenant d’élevage à l’interface entre santé humaine et animale.