Depuis une dizaine d’années, la communauté scientifique s’est intéressée à l’étude du microbiote du porc. Grâce aux nouvelles technologies de séquençage de l’ADN, nous sommes capables d’étudier l’ensemble des germes présents dans l’intestin des animaux. Le résultat de cette nouvelle analyse est une quantification relative, dite abondance, des familles de bactéries les plus représentatives de la flore intestinale. La méthode consiste dans le séquençage de l’ARN 16S, un segment du génome des bactéries. Nous recherchons une sorte de « carte d’identité » des bactéries et nous la quantifions. Enfin, ce monde « invisible » jusqu’à hier a aujourd’hui une tête, un corps et une fonction connue. Cependant, les acteurs de la filière porcine, éleveurs en tête, se posent encore des questions sur l’utilité de cette analyse. Faisons le point !
Qu’est-ce que le microbiote ?
Une communauté de micro-organismes vivants – bactéries, virus, parasites, levures, champignons – hébergée dans un écosystème précis, par exemple l’intestin des animaux. Dès la naissance, une relation « gagnant-gagnant » s’installe entre ces germes et l’hôte, on parle de symbiose.
Le rôle de cette flore intestinale est de :
– Rendre digérables certains éléments de l’aliment, notamment certaines fibres.
– Protéger l’organisme de la colonisation par des germes pathogènes ;
– Maintenir actif le système immunitaire de l’animal.
– Communiquer avec le cerveau et d’autres tissus de l’animal : le microbiote est considéré comme le deuxième cerveau de l’organisme ! Ceci ce fait par l’intermédiaire de nombreuses substances.
Le microbiote est aussi un bon indicateur du bien-être animal.
Quelles sont les connaissances actuelles du microbiote chez le porc ?
En bref:
– Nous disposons aujourd’hui d’un catalogue des familles de bactéries présentes naturellement dans l’intestin du porc.
– Le rôle exact de chaque famille est peu connu pour l’instant.
– Le microbiote d’un porcelet dépend de celui de sa mère.
– Il se stabilise aux alentours du 36ème jour de vie.
– On connait aujourd’hui certains liens entre microbiote et diarrhées néonatales ou diarrhées de PS.
Pour en savoir plus :
Le lien « Santé du porc – performances techniques – microbiote » a été validé et décrit dans de nombreuses publications. Cependant nous observons une variabilité élevée entre élevages, et entre animaux du même élevage.
De nombreux facteurs peuvent influencer le microbiote : la génétique, l’aliment, la température, l’état corporel, l’état physiologique, le stress, l’âge, le sexe, l’horaire du prélèvement … Pour cette raison, aujourd’hui nous parlons plutôt d’entérotype (groupe de bactéries typiques de la flore intestinale) ou d’holobionte (interaction entre animal et son microbiote). Plus simplement, l’étude simple du microbiote n’est plus suffisante pour tirer des conclusions sur l’état de santé et les performances alimentaires du porc.
A ce jour, un premier catalogue des génomes présents dans l’intestin du porc est disponible et utilisé comme référence. Cette base nous permet d’étudier le « qui est là » mais nous avons aussi besoin de connaître le « qui fait quoi ? ». Le microbiote est un micro-monde complexe où les micro-organismes interagissent entre eux.
Au niveau pratique : on sait que le microbiote du porcelet est influencé par celui de sa mère à la naissance qui est fonction du statut sanitaire de l’élevage et de la santé de la truie. Pour se stabiliser, le microbiote du porcelet a besoin d’environ 36 jours. Analyser le microbiote entre la naissance et 1 mois d’âge est presque inutile. En revanche, regarder le microbiote de la truie autour de la mise- bas peut permettre de trouver la cause de diarrhées néonatales. Le même discours est valable pour l’étude des diarrhées aiguës et chronique en PS et engraissement, problématiques très souvent sous-estimées mais très liées à la performance d’un élevage porcin. Récemment, l’INRAE a mis en évidence la relation entre un entérotype spécifique avec une abondance élevée du genre Prevotella et une bonne croissance du porc. Au contraire le genre Ruminococcus semblait moins lié à une bonne croissance.
L’analyse du microbiote est-elle déjà considérée comme une analyse de routine ?
En bref:
– Analyse peu difficile techniquement.
– Mais très coûteuse !
– Surtout réalisée aujourd’hui dans le cadre de recherches sur l’impact de formules alimentaires.
Pour en savoir plus :
L’analyse du microbiote/entérotype est accessible, facile à réaliser, et ne nécessite que quelques grammes de fèces. Cependant, le prix de l’analyse est encore très élevé, ce qui rend compliqué une application pratique en route. Actuellement l’intérêt est porté par les prémixeurs, les fabricants d’additifs alimentaires ou les fabricants d’aliments. À ce jour, très peu d’études ont été menées sur le terrain sur l’entérotype en présence de diarrhées. Pourtant, le vétérinaire est amené à proposer des solutions contre les troubles digestifs de la truie ou les diarrhées en PS et engraissement et à rétablir un bon équilibre intestinal. Le but est de chercher à empêcher les germes pathogènes de coloniser l’intestin, favorisant le dys-microbisme et fragilisant l’animal en pleine croissance.
Quelles solutions au dys-microbisme?
En bref:
– Favoriser la voie préventive (vaccins, pré et probiotiques) à la voie curative (antibiotique).
– Favoriser le confort de la truie autour de la mise bas.
Pour en savoir plus :
Pendant la dernière décennie, l’antibiotique était le premier choix du vétérinaire pour traiter les animaux. Cette approche curative a permis de combattre certains germes comme les E. coli, Salmonella, Brachyspira, mais elle a aussi sélectionné les souches de bactéries ayant des mécanismes de résistance aux antibiotiques. Face à cette problématique, et aux causes virales ou parasitaires de certaines diarrhées, les vétérinaires ont favorisé la voie préventive. A présent, nous avons à disposition un arsenal élargi de produits alternatifs aux antibiotiques, comme les prébiotiques et les probiotiques, mais aussi les vaccins. Il est nécessaire de combiner ces alternatives avec des pratiques d’élevage plus performantes pour prévenir les troubles digestifs.
Un exemple fréquent de cette démarche de prévention est l’amélioration du confort de la truie autour de la mise-bas : en améliorant son microbiote on exerce une influence très importante sur l’équilibre alimentaire, le stress du sevrage et sur le métabolisme en général du porcelet. Dans ce cas, l’étude du microbiote permettrait de connaître de plus près les causes des diarrhées et favoriser un acte vétérinaire plus ciblé.
Est-il vraiment utile de prescrire une analyse du microbiote ?
En bref:
Oui pour l’éleveur qui souhaite s’inscrire dans une démarche de démédicalisation !
Pour en savoir plus:
Au sein du groupe CRISTAL, nous accompagnons les éleveurs dans une démarche de progrès, la solution ALTERBIOTIQUE®. Une offre à la carte qui permet de développer une production de qualité, respectueuse du bien-être animal dans un contexte économique viable. Dans les services innovants proposés par nos vétérinaires indépendants, on retrouve les solutions alternatives et l’utilisation raisonnée des antibiotiques, actes fondamentaux de l’éthique de prescription. Dans une démarche de prévention, l’étude du microbiote est oui utile en tant qu’acte complémentaire à l’aide au diagnostic et à l’application des solutions alternatives et innovantes.
Conclusions :
l’étude de l’enterotype/microbiote permet la recherche de nouveaux indicateurs de l’efficacité alimentaire, de quantifier et valoriser la variabilité individuelle et interindividuelle dans de futurs programmes de sélection génétique. Elle pourrait aussi permettre de proposer de nouvelles stratégies alimentaires ciblées ou développer de nouveaux concepts d’alimentation de précision à certains niveaux de la production. Le défis pour les microbiologistes et pour tous les acteurs de la production porcine sera d’étudier et de comprendre le « qui fait quoi ? » dans la vraie relation porc-microbiote.
En bref: une affaire à suivre!
LECTURE BIBLIOGRAPHIQUE:
Mathilde Le Sciellour Hazon. Microbiote intestinal chez le porc, facteurs de variation et relations avec les performances des animaux. Biologie animale. Agrocampus Ouest, 2019. Français. NNT : 2019NSARB323. tel-02966534
Jordi Estellé, Yuliaxis Ramayo Caldas, Nicolas Pons, Emmanuelle Le Chatelier, Edi Prifti, et al.. Construction et validation d’un premier catalogue de gènes du microbiome intestinal chez le porc. 50. Journées de la Recherche Porcine en France, 2018, NA, France. hal-02285612
Liang Xiao et al, A reference gene catalogue of the pig gut microbiome, Nature Microbiology 1, Article number: 16161 (2016) doi:10.1038/nmicrobiol.2016.161
Amir Aliakbari, Vanille Déru, Céline Carillier-Jacquin, Olivier Zemb, Alban Bouquet, et al.. Utilisation de l’information du microbiote intestinal pour expliquer et prédire l’efficacité alimentaire chez le porc. 54es Journées de la Recherche Porcine, Ifip; Inrae, Feb 2022, en ligne, France. hal-03746096
Olivier ZEMB et al – Impact de la restriction et de l’hygiène de logement sur le microbiote du porc en croissance (Communication dans un congrès)
Martinez Gonzalez José Louis – Caractérisation métataxonomique du microbiote intestinal dans un modèle porcin nourri avec un régime hyperlipidique composé de fromage cheddar et de beurre. Philosophiæ doctor Université Laval, 2021 (Thèse).
Francine de Quelen et al – MIPORE : Lien entre l’alimentation, le microbiote et les émissions gazeuses (NH3, CH4, N2O) des effluents, chez le porc (Poster au JSA 2022)