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De la complexité de la loi sur les matériaux manipulables

L’arrêté du 16 janvier 2003 précise l’ensemble des normes minimales en vigueur concernant le bien être des porcs. Elle a été complétée le 24 février 2020 notamment par l’ajout de contraintes sur les matériaux manipulables à mettre à disposition des animaux. Si la version initiale était peu précise et laissait de la place à l’interprétation, les derniers ajouts se veulent plus directif et plus précis. Nous vous laisserons juger de l’atteinte de cet objectif.

Pour faciliter la lecture, nous découperons l’article en trois : contexte, message à emporter, et développement pour ceux qui veulent aller plus loin.

Sources des textes :

Arrêté de 2003
Directive 2008/120/CE
Recommandation UE 2016/336
Guide technique UE

1. Origine européenne des textes français

Sans rentrer dans la longue histoire des textes précisant les normes relatives au bien être des porcs, il est important de comprendre que tous les textes français dérivent d’une transcription plus ou moins directe de texte européen, le premier étant une directive de 1991, modifiée plusieurs fois jusqu’à la directive 2008/120/CE.

Pour rappel les directives européennes doivent être transposées directement et sans modifications dans tous les États membres de l’UE.

Ainsi, tous les États membres ont dans leur texte une loi correspondant à la directive 2008/120/CE.

Cette directive précise notamment à propos des matériaux manipulables :

« […] les porcs doivent avoir un accès permanent à une quantité suffisante de matériaux permettant des activités de recherche et de manipulation suffisantes, tels que la paille, le foin, le bois, la sciure de bois, le compost de champignons, la tourbe ou un mélange de ces matériaux qui ne compromette pas la santé des animaux. »

Il apparaît que plusieurs points sont peu clairs dans cette directive, nous y reviendrons par la suite :

-« une quantité suffisante »

-« matériaux permettant […] tels que … »

Or il se trouve que cette directive interdit également la coupe de la queue, sauf s’il est fait preuve que s’en passer est impossible :

« La section partielle de la queue et la réduction des coins ne peuvent être réalisées sur une base de routine, mais uniquement lorsqu’il existe des preuves que des blessures causées aux mamelles des truies ou aux oreilles ou aux queues d’autres porcs ont eu lieu »

Cette directive qui existe depuis 2008 n’est que très peu respectée (voire pas du tout) dans un certain nombre d’état membre, y compris la France.

Il faut donc bien comprendre que s’assurer que les états membres fassent respecter cette directive est devenu, en plus d’un enjeu pour le bien-être animal, un enjeu politique pour l’UE (voir l’article, pour tous les détails à ce sujet, en anglais).

C’est dans ce contexte de pression européenne qu’ont été publiées les dernières modifications de l’arrêté 2003 français.

2. Le texte français, et l’essentiel de ce qu’il faut savoir.

Le texte complet est en lien au début.

Le texte français présentant les normes relatives au bien être des porcs est l’arrêté du 16 janvier 2003.

Celui-ci s’est vu complété le 24 janvier 2020, qui ajoute notamment des détails sur les matériaux manipulables, car la directive était jugée trop peu précise à ce sujet (voir plus haut).

Voici donc les obligations règlementaires qui découlent directement du texte :

Les matériaux sont divisés en trois catégories : optimal, sous-optimal et d’intérêt minimes.

Pour simplifier, 1 matériel optimal suffit, quel que soit la catégorie ou le nombre d’animaux considérés.

Dans le cas où l’on n’utilise pas de matériel optimal, le tableau suivant récapitule les obligations :

< 10 truies, verrats ou cochettes en case individuelleJusqu'à 25 porcsDe 25 à 40 porcsPlus de 40 porcs
Matériaux sous optimal112 ou 1 si plus de deux porcs peuvent y accéder simultanément2
Matériaux minimes à mettre en plus0+1+1+2 ou +1 si deux porcs peuvent y accéder simultanément

Se pose évidemment la question de la définition des catégories énoncées précédemment.

A ce sujet le texte français renvoie à un autre texte européen, la recommandation 2016/336 qui complète la directive 2008/120/CE.

 Il n’y a donc aucune définition ou type de matériel précis dans la loi française.

Il n’est pas fait référence en particulier au bois, au râtelier à paille etc…

Pour savoir de quoi il est question, nous sommes donc obligés d’aller voir la recommandation européenne, dont le lien est au début de l’article.

3. La recommandation européenne

Pour des raisons de clartés, d’objectivité et parce que la loi française y fait directement référence, nous allons mettre l’extrait de la recommandation qui permet de définir les catégories pour que chacun soit le mieux éclairé :

« 4. Les matériaux d’enrichissement devraient permettre aux porcs de satisfaire leurs besoins essentiels sans compromettre leur santé.

À cet effet, les matériaux d’enrichissement devraient être sans danger et présenter les caractéristiques suivantes:

  1. a) être comestibles, de sorte que les porcs puissent les manger ou les flairer, et offrir de préférence certains avantages nutritionnels;
  2. b) pouvoir être mâchés, de sorte que les porcs puissent mordre dedans;
  3. c) pouvoir être investigués, de sorte que les porcs puissent les investiguer;
  4. d) être manipulables, de sorte que les porcs puissent les déplacer et modifier leur aspect ou leur structure.

 5. Outre les caractéristiques énumérées au point 4, les matériaux d’enrichissement devraient être fournis de telle sorte qu’ils soient:

a) d’un intérêt durable, ce qui implique qu’ils encouragent le comportement exploratoire des porcs et soient régulièrement remplacés et complétés;

  1. b) manipulables au moyen de la bouche;
  2. c) disponibles en quantité suffisante;
  3. d) propres et hygiéniques.

 6. Afin de satisfaire les besoins essentiels des porcs, les matériaux d’enrichissement devraient présenter toutes les caractéristiques énumérées aux points 4 et 5.

À cette fin, les matériaux d’enrichissement devraient être classés comme suit:

  1. a) matériaux optimaux : matériaux dotés de toutes les caractéristiques énumérées aux points 4 et 5 et pouvant, par conséquent, être utilisés seuls;
  2. b) matériaux sous-optimaux : matériaux dotés de la plupart des caractéristiques énumérées aux points 4 et 5 et devant, par conséquent, être utilisés combinés avec d’autres matériaux;
  3. c) matériaux d’un intérêt minime : matériaux offrant une distraction aux porcs mais qui ne devraient pas être considérés comme satisfaisant leurs besoins essentiels et avec lesquels il convient donc de fournir des matériaux optimaux ou sous-optimaux.»

Au bilan voici notre interprétation :

Un matériel optimal possède toutes les caractéristiques suivantes :

  • Doit être comestible
  • Doit pouvoir être mordu
  • Doit permettre un comportement de fouille avec le groin.
  • Doit être manipulable à l’aide du groin.
  • Doit être propre/hygiénique
  • En quantité suffisante pour tous les porcs.
  • D’un intérêt constant, c’est-à-dire renouvelé régulièrement.

Pour être clair, à l’heure actuelle, les seuls matériaux qui peuvent correspondre sont les litières organiques (paille, coupeaux, tourbes …).

Un matériel sous optimal possède une fraction non définie des caractéristiques ci-dessus.

Un matériel d’intérêt minime ne possède pas suffisamment de caractéristiques pour être utilisé seul.

 

En bilan, il n’y a pas de listes précises de matériaux manipulables à mettre et en quelle quantité dans la loi européenne.

Le texte européen est une recommandation, il n’y a pas d’obligation de le transposer dans les textes nationaux.

C’est parce que l’accent est mis sur l’obligation de résultat d’arrêter la caudectomie dans la loi européenne, mais s’est transformé en une obligation de moyens peu clair dans la loi française.