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Ethologie

L’éthologie au secours de l’élevage : le déplacement des animaux

Le déplacement des porcs charcutiers ou des truies peut rapidement devenir une corvée, qui amène du stress et fait perdre du temps. Plus on perd du temps, plus on se stresse et plus on stresse les animaux, ce qui peut être problématique notamment avant le départ à l’abattoir. Je vous propose ici de revoir quelques notions qui permettent de comprendre les sources de blocage lors du déplacement et de gagner du temps et de la tranquillité lors de cette manœuvre indispensable.

1.Les sens du porc

    • La vue

Les porcs sont des animaux de sous-bois : ils voient bien dans la pénombre (30 lux) mais préfèrent néanmoins la lumière qui les attire. En revanche une trop forte différence de luminosité leur fera peur.

Ils ont probablement une mauvaise vision des mouvements, comme les bovins, et voient surtout les nuances de bleu.

Les porcs ont une vision binoculaire centrale et une vision monoculaire sur un angle large, ce qui signifie qu’ils distinguent correctement les reliefs et la profondeur en face d’eux uniquement mais voient bien les mouvements sur 280° C (voir schéma ci-après).

En situation normale, ils utilisent leur vision binoculaire centrale, mais en cas de stress, les yeux s’enfoncent légèrement et seule la vision périphérique des mouvements subsistent.

Leurs angles de visions se disposent donc comme suit :

Schéma adapté du site « Pig vision et Management »

 

Bilan :

-Mauvaise vision des détails.
-Capable de voir sur les côtés (attention aux barrières ajourées lors des déplacements !).
-Mais ne voit que devant en cas de stress.
-Attiré par la lumière, sauf si elle est trop forte.
-La vue n’est pas le sens principal du porc, contrairement à nous !

    • L’ouïe

Les porcs entendent une plus large gamme de sons que nous et sont particulièrement sensibles aux sons aigus, notamment métalliques.

Il est possible de guider les porcs uniquement avec le bruit fait par des hochets.

    • L’odorat

Il s’agit du sens principal du porc (espèce macrosmatique). Il est extrêmement développé : 7% de leur cerveau est dévolu à l’analyse des odeurs (bulbe olfactif), contre 0,01% chez l’homme et 0,3% chez le chien !

Les porcs « sentent » le monde plus qu’ils ne le voient !

    • Le toucher

Le toucher des porcs

Le groin des porcs est garni de poils sensitifs, appelés vibrisses, équivalent aux moustaches des chats par exemple.

Ces poils sont extrêmement sensibles, et le groin lui-même est capable de ressentir le moindre relief.

Lorsqu’il rencontre quelque chose de nouveau, le premier réflexe d’un cochon est de « palper » l’objet nouveau avec son groin pour en délimiter ses caractéristiques.

Le groin est la véritable main du porc, il faut donc anticiper toutes les zones de changement de surface/matière/granulosité du sol, car les porcs s’y arrêteront forcément pour palper la nouvelle surface.

C’est particulièrement vrai avec les porcelets sortant de maternité ou de post-sevrage.

2.Le comportement du porc

    • La distance de fuite et le point de bascule.

Il est extrêmement important de connaître le schéma ci-dessous pour comprendre comment déplacer des porcs :

La distance de fuite et le point de bascule du porc

Schéma adapté du site « Pig vision et Management »

Ainsi selon la position du manipulateur ou d’un obstacle en avant ou en arrière du point de bascule et à l’intérieur de la zone de fuite, il est possible très simplement de faire avancer ou reculer un porc.

D’où l’importance des panneaux, des hochets ou des rames pour avoir toujours un obstacle au bon endroit et guider les porcs !

    • Les perturbateurs.

Les porcs sont des animaux sociaux que la solitude fait paniquer. Ils suivront toujours les meneurs, quelle que soit la direction prise par ceux-ci.

Il est plus simple de déplacer des porcs en petit groupes de 5-6 pour éviter que les porcs de tête ne fassent demi-tour et emmènent avec eux le reste du groupe.

Attention au stress, car un animal soumis au stress peut paniquer, ce qui diminue son acuité visuelle et lui fait perdre toute capacité de réflexion !

Face à la panique, les porcs ont deux réactions : se figer ou forcer le passage vers ce qui lui semble un lieu plus sûr, généralement rester dans leur case. Dans les deux cas c’est autant de stress pour le manipulateur.

Mieux vaut laisser un porc se calmer que de forcer le déplacement, d’autant plus que la panique se répand très vite parmi les groupes de porcs, ce qui rendra la tâche extrêmement frustrante et stressante pour le manipulateur comme pour les animaux !

 

3. Que faut-il en retenir ?

    • Dégager le chemin emprunté par les porcs.
    • Anticiper les points de blocage et les limiter quand c’est possible :
      • zones de changements lumineux brutaux;
      • pentes;
      • changement de sol;
      • angles droits;
      • panneaux ou barrières ajourés, car les porcs vont s’arrêter pour voir ce qu’il y a de l’autre côté.
    • Faire aller du moins lumineux au plus lumineux.
    • Déplacer des petits groupes de 5-6.
    • Disposer des bons outils: panneaux, hochets, drapeaux, rames.
    • Être patient et savoir détecter quand des animaux commencent à paniquer pour ralentir la cadence : aller lentement pour aller vite !

Note sur l’aiguillon électrique – interdit d’utilisation en élevage : il s’agit d’un mauvais outil, particulièrement pour les charcutiers avant le départ à l’abattoir car il augmente le risque de viande PSE. Il arrive fréquemment que les porcs se couchent ou paniquent sous l’aiguillon, ce qui complique les déplacements. Enfin, les porcs de fin de groupe suivent les porcs meneurs, il ne sert donc à rien d’aiguillonner les derniers porcs pour faire avancer les premiers…