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Syndrome de Nécrose d’oreilles : une nouvelle piste sur l’origine de cette maladie énigmatique ?

Ces trois dernières années, plusieurs publications scientifiques n’ont pas exclu la possibilité de lier le syndrome de nécrose d’oreilles du porc , le « SNO », à un syndrome nouvellement décrit, le « SINS », syndrome de l’inflammation et de la nécrose du porc. Ce syndrome décrit un ensemble de lésions de type inflammatoire aux extrémités des porcelets, et ce dès la naissance. La queue, les oreilles, le pied (talon et sole), le nombril et la face des porcelets semblent être sujets à une perte de soies dans un premier temps, puis progressivement à un œdème (rougeur), des saignements, une exsudation et une nécrose du tissu cutané. Malgré la description de plusieurs profils histologiques du « SNO », les chercheurs évoquent une similitude entre lésions du « SNO et du « SINS ». Le facteur commun est une inflammation périvasculaire des tissus des extrémités. C’est la première fois qu’une origine endogène et donc intra-utérine est prise en compte. Cette hypothèse trouve ses fondements sur l’apparition simultanée de lésions aux extrémités dès la naissance des porcelets. Des facteurs génétiques sont pris en compte mais ne sont pas encore détaillés et confirmés.

Nouvelle hypothèse sur la pathogénèse et étiologie du SINS

Une mauvaise composition de l’aliment (rapport protéines/fibres, vitamines et oligo-éléments) affecterait négativement le microbiote intestinal. Ce dysmicrobisme provoquerait une production excessive d’endotoxines appelées « MAMP’s» (motifs moléculaires associés aux pathogènes). Les lipopolysaccharides (LPS) de la paroi bactérienne joueraient alors un rôle important sur la perte d’imperméabilité de la barrière intestinale et sur le déclenchement de la cascade des réactions inflammatoires au niveau local. Des facteurs tels que la quantité et qualité d’eau ingérée, la constipation, la présence de mycotoxines dans l’aliment ou les troubles de la thermorégulation aggraveraient également les dommages cellulaires. Une première inflammation locale se développerait par un rappel de cellules du système immunitaire (SI), activées par des cytokines spécifiques. Le foie est la « déchetterie » de l’organisme; il est équipé de certaines cellules du «SI », capables de capter et de détruire les endotoxines « LPS ». Dans un cadre de surcharge de ces « MAMP’s»,  le foie n’arrive plus à détoxifier l’organisme. De cette façon, les endotoxines transportées par les macrophages (cellules du système immunitaire) empruntent la voie sanguine et, pour une question de diamètre, bloquent le flux des capillaires et vaisseaux sanguins périphériques provoquant une vascularite et une réduction d’apport d’oxygène, ce qui entraine la nécrose du pavillon auriculaire.

L’infection par des bactéries pyogènes (Staphylococcus, Streptococcus) arrive dans un second temps et aggrave le cadre clinique/lésionnel macroscopique, ceci en raison de la production de toxines exfoliantes. Des conditions d’élevage insatisfaisantes : taux élevé d’humidité, défauts de ventilation, excès d’ammoniac et densités favorisent le développement de ces germes environnementaux. Cette cascade de réactions/actions du système immunitaire arrive alors au niveau du système nerveux central. Les conséquences s’expriment par une sensation de mal-être général, une augmentation de la température corporelle, de la nervosité, du cannibalisme, une baisse d’appétit, une perte de poids et par conséquent une diminution de la croissance. Des facteurs infectieux viraux et bactériens (PCV-2, PCV-3, SDRP, Mycoplasme) amplifient ce phénomène de cascade inflammatoire.

Reste à démontrer comment les porcelets sont, dès la naissance, porteurs de ces « MAMP’s » et comment ils développent in-utero cette vasculopathie ? Des essais au niveau génétique peuvent aider à la compréhension. Cependant, il est certain que l’intestin et le foie sont deux organes au centre de la pathogénèse du syndrome et ils nécessitent d’être ciblés dans la recherche des solutions médicales-diététiques (par exemple étude du microbiote, administration d’hépato-protecteurs).

En conclusion, que faire ?

L’énigme n’est toujours pas résolue et la maladie n’a pas encore été « reproduite » expérimentalement. Néanmoins, ces nouvelles publications nous invitent à suivre aussi la piste endogène, c’est à dire à identifier les causes du processus pathogénique qui commence de l’intérieur et qui se manifeste ultérieurement uniquement à l’extérieur du corps des porcs, dans les parties les plus distales.

Faut-il intégrer le syndrome de nécrose d’oreilles dans un syndrome plus général d’inflammation et de nécrose du porc ? Très probablement oui. L’origine est commune : une vasculopathie immuno-médiate périphérique. De nombreuses causes étiologiques et facteurs de risque existent et ne sont, à ce jour, pas encore connues. Le problème reste multifactoriel. Le risque de développer d’autres problèmes sanitaires comme une arthrite septique, une infection pulmonaire, une septicémie bactérienne secondaire, une hétérogénéité des lots, etc… est toujours élevé.

Au sein du Groupe Cristal, dans une démarche Alterbiotique®, l’équipe du cabinet vétérinaire EPIDALIS propose également à ses clients, au-delà de la gestion de la douleur pour améliorer le bien-être animal, un audit spécifique sur les nécroses d’oreilles. L’ approche est globale et évalue tous les facteurs de risques déclencheurs du syndrome. Cet audit prévoit :

  • Estimation, évaluation et optimisation des conditions d’élevage et/ou climatique de l’élevage (audit ventilation, taux d’humidité, ammoniac et CO2, gestion des températures) ;
  • Estimation, évaluation et optimisation des conditions de bien-être animal (audit bien-être animal, installation d’objets manipulables, identification et correction des troubles comportementaux) ;
  • Identification des facteurs de stress de la maternité (taux d’adoption, sociabilisation, stress alimentaire, densité des cases PS, ré-allotements)
  • Évaluation des formules alimentaires et gestion alimentaire des porcelets, place au nourrisseur et nombre d’abreuvoirs par case PS, présence de mycotoxines dans l’aliment et dosage des capteurs dans l’aliment, taux de lysine et acides aminés, déficiences oligo-éléments (manganèse, cuivre et diverses vitamines) ;
  • Évaluation de la gestion alimentaire des truies (formule aliment par stade physiologique, utilisation d’hépato-protecteurs) ;
  • Analyse et contrôle de la qualité d’eau ;
  • Étude du plan vaccinal truies et porcelets, étude de l’état sanitaire de l’élevage (présence de PCV-2, PCV-3, SDRP, Mycoplasma suis, Staphylococcus, Streptococcus, Pasteurella, divers parasites)
  • Possible analyse du microbiote des porcs (toutes âges) ;

Bibliographie

Marine Beauvallet. État des lieux du syndrome de nécrose d’oreille chez le porc dans des élevages du Grand Ouest : création d’une application et mise en place d’une enquête épidémiologique. Sciences du Vivant [q-bio]. 2022. ffdumas-03869031
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