Le cannibalisme est probablement le problème le plus complexe en médecine porcine. Il s’agit d’un trouble du comportement d’apparition semblant aléatoire et allant de très légères à quelques plaies à peine visibles, à des lésions extrêmement sévères provoquant boiteries, saisies voire mortalité. Ici nous tenterons de dégager les principaux points à connaitre pour comprendre pourquoi les épisodes peuvent démarrer et comment essayer de les prévenir.
I) Le déclenchement des problèmes:
a. Un problème de couple
Aujourd’hui il est très clair que pour avoir morsure il faut un mordeur et une victime. Un mordeur seul ne suffit pas : un autre animal doit se laisser suffisamment faire pour que des lésions apparaissent.
A noter que le processus peut prendre du temps, les lésions et le sang pouvant apparaitre parfois plusieurs semaines après qu’un porc ait commencé à en mordre un autre.
De manière intéressante, certains articles suggèrent que les porcs se divisent en trois catégories : mordeur, victimes et neutres, et ce dès la naissance. Ceci impliquerait une prédisposition de certains animaux à mordre, à être mordu ou à faire ni l’un ni l’autre ! Cependant ces distinctions ne sont valables qu’en démarrage de caudophagie, une fois l’épisode bien installé un mordeur peut devenir victime et inversement.
Ceci implique que des mordeurs peuvent être isolés entre eux sans nécessairement déclenchement de la morsure, et de la même façon des porcs victimes peuvent être isolés ensemble sans qu’ils se mordent les uns les autres.
Un immense ? cependant : comme toujours en biologie, la réalité peut bien sûr être plus complexe que ce qui est décrit au-dessus.
– Pour avoir morsure, il faut une victime et un mordeur.
– En démarrage de crise, les mordeurs ne seront pas mordus et inversement.
– Les mordeurs peuvent donc être isolés et mélangés entre eux, de même que les victimes de morsures.
b. Trois types de déclenchement.
On distingue habituellement trois types de cannibalisme :
– Aiguë voire suraiguë.
– Obsessionnel.
– Chronique en deux étapes.
Les morsures aiguës font suite à une frustration soudaine et forte et des lésions souvent sévères apparaissent très rapidement souvent sans signes avant-coureurs. Ceci peut être dû à un manque soudain d’aliment, d’eau ou l’apparition soudaine d’un courant d’air violent (filet brise vent qui tombe en bâtiment ouvert par exemple).
Corriger la cause suffit souvent à régler la situation, si tant est que la solution est aussitôt apportée et que le comportement n’a pas le pas le temps de se fixer, c’est-à-dire de continuer malgré la disparition de la cause.
Les morsures obsessionnelles renvoient au fait qu’un ou deux porcs dans la case vont constamment chercher à mordre les queues de leurs congénères, sans raison apparente. La ou les causes de ces obsessions ne sont pas claires. Il est important de les identifier et de les isoler car ces animaux ne s’arrêteront pas de tenter de mordre.
Enfin les morsures chroniques sont les plus difficiles à prévenir et à guérir. Elles démarrent par une première phase dite pré-lésionnelle, pouvant prendre des semaines, durant laquelle les animaux vont mordre sans beaucoup de violences les queues des autres. Lorsqu’une lésion finit par apparaître, la phase lésionnelle débute et le problème s’accélère alors jusqu’à l’apparition de lésions sévères et de sang sur une majorité de porcs dans la case. Ce problème est très difficile à éradiquer car il est souvent répété en phases lésionnelles où il est déjà tard pour agir autrement qu’en enlevant les mordus ou les mordeurs.
2. Une accumulation de problèmes
a. Le modèle du seau trop plein (d’après J. Zonderland)
Dans le cadre des morsures de type chronique, on sait aujourd’hui que la morsure va apparaitre suite à une accumulation de facteurs de risques qui s’additionnent jusqu’à dépasser un seuil de tolérance.
Ceci est repris dans le modèle du « seau trop plein » :
Un seau correspond à un porc.
Le seau se remplit lorsque des facteurs de risques de cannibalisme sont présents et« déborde » chez quelques individus, et ces individus vont éventuellement commencer à attaquer les queues de leurs congénères. Si le phénomène n’est pas pris à temps des lésions apparaissent et le phénomène s’emballe, en particulier lorsque du sang apparaît.
A noter que la taille du « seau » est variable selon les individus d’où l’aspect aléatoire des crises, les animaux étant plus ou moins tolérants.
b. Les facteurs de risques
Un point essentiel à comprendre est donc qu’il n’y a pas un facteur de risque plutôt qu’un autre qui cause la morsure, mais c’est leur accumulation : ce n’est pas la ventilation plutôt que l’absence de matériaux manipulables, mais les deux ensembles qui posent problème.
Énormément de facteurs de risques ont été identifiés, et il serait plus simple de dire que tout dérèglement peut devenir facteur de risque.
Le schéma suivant est une illustration d’une excellente tentative de lister les facteurs de risques et les liens qui existent entre eux (D’Eath et al, 2014), qui permet de comprendre la complexité qui se cache derrière les morsures :
c. Que faire ?
Face à la complexité du problème et s’il est d’apparition récurrente dans votre élevage, nous vous proposons de prendre contact avec votre vétérinaire pour éventuellement un audit spécifique.
Lors de cet audit, l’ensemble des facteurs de risques présents dans l’élevage seront relevés et un plan d’action sur court, moyen et long terme sera proposé, dans le but d’éliminer le plus possible de ces facteurs.
Un plan de gestion des crises sera également proposé pour savoir comment gérer les épisodes déjà démarrés.