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Retour sur l’utilisation d’un mélange d’acides organiques comme alternatives aux antibiotiques

Contexte:

La réduction de l’utilisation des antibiotiques est devenue un objectif majeur ces dernières années avec notamment la création du plan EcoAntibio 2012-2017 et le plan EcoAntibio2, qui consiste en une série de mesures destinées à informer les utilisateurs sur l’antibiorésistance et à réduire et encadrer l’utilisation des antibiotiques tout en promouvant les alternatives. La filière porcine s’était déjà bien engagée dans cette voie suite au premier plan EcoAntibio avec une réduction de  l’usage d’antibiotiques de 41,5% en 5 ans. L’objectif initial étant de 25% en médecine vétérinaire.

Pour poursuivre les efforts, il est important de, certes, réduire l’utilisation des antibiotiques mais aussi de trouver des alternatives, notamment pour certaines maladies pour lesquelles l’antibiothérapie reste l’option privilégiée. Un bon exemple est la streptococcose en atelier PS/Engraissement.

Cette maladie peut prendre une forme récurrente, s’attaquant à toutes les bandes successives. Elle provoque des symptômes nerveux (pédalage, ataxie), des boiteries et de la mortalité. Dans certains élevages, la maladie peut être tellement violente qu’aucun symptôme n’est observé et seules des mortalités subites nous alertent sur la présence de la maladie.

C’est dans le cadre d’un fort épisode de cette maladie chez un naisseur-engraisseur normand qu’un mélange d’acides organiques a été utilisé pour remplacer l’usage des antibiotiques (amoxicilline notamment).

Présentation du mélange d’acides organiques :

Dans le produit utilisé on trouve plusieurs acides organiques (acide formique, benzoïque etc..) ainsi que du formiate d’ammonium. L’intérêt de ce mélange par rapport à un acidifiant classique est multiple.

D’abord il est tamponné, ce qui signifie que, même à forte dose, le pH ne descend pas en dessous de 3. Avec des acidifiants classiques qui contiennent des acides minéraux (acide chlorhydrique, sulfurique…), le pH peut descendre jusqu’à 1, provoquant de la déminéralisation osseuse.

Ensuite ce mélange d’acide est protégé par le formiate d’ammonium qui permet de préserver l’activité des acides jusque dans le gros intestin, lieu où l’on retrouve les streptocoques pathogènes. Ces acides vont donc pouvoir avoir un rôle bactéricide en plus du rôle classique d’hygiénisant de l’eau.

Description du problème au lycée St Lô Thère :

L’atelier porc du lycée consiste en un naissage/engraissement de 160 truies. Le PS est sur caillebottis intégral, l’engraissement est sur paille et les deux sont en nourrisseurs à sec. L’élevage est assaini ( indemne de mycoplasme, SDRP et actinobacille).

L’élevage a connu un pic de mortalités en engraissement aux mois d’avril et mai 2017 avec un doublement du taux de mortalité habituelle (cf. résultats GTE plus bas).

Lors de cette période, les autopsies effectuées ont montré que les mortalités étaient principalement dues à Streptococcus suis 2, mais cette crise sanitaire a également fait ressortir de l’iléite à Lawsonia intracellularis, habituellement discrète dans cet élevage.

En plus des pertes, la crise a engendré un surcoût de 1,75€/porc produit sur la période à cause des traitements antibiotiques nécessaire pour limiter les pertes.

Mise en place du mélange d’acides et résultats :

Les acides ont été mis en place via une pompe doseuse en engraissement à la fin du mois de mai. Ces acides ciblent les bactéries GRAM+ comme les streptocoques ainsi que les GRAM- comme Escherischia coli.  Les acides ont été laissé pendant 3 semaines en engraissement ce qui a arrêté les pertes.

Suite à cela, la mortalité est redescendue au niveau habituel et d’après l’éleveur la croissance s’est améliorée. La décision a été prise conjointement de ne pas laisser les acides en engraissement mais de les mettre en place tout au long du PS. Ceci a permis d’arrêter la supplémentation en oxyde de zinc contre les diarrhées de PS dans le premier âge.

Voici un tableau récapitulant les principaux résultats GTE avant la crise (2016), l’année de la crise (2017) et cette année :

201620172018
Perte PS2.20%1.80%1.30%
Pertes
Engraissement
2%4.1%2.1%
IC 8-1152.672.592.51
GMQ 8-115
(g/jour)
737722745
Poids vifs (kg)118.4118.6119
Poids de
Carcasse (kg)
90.59191.3
Jours de157159154
Présence

Evaluation économique :

En plus des pertes, la crise a engendré un surcoût de 1,75€/porc produit sur la période à cause des traitements antibiotiques nécessaires pour limiter les pertes.

En se basant sur les consommations en acide, les résultats GTE et les coûts alimentaires indicatifs, il est possible d’évaluer le gain moyen par porc produit suite à l’utilisation de l’acide à 3,39€/porc.

Le tableau suivant permet d’apprécier l’impact positif tant économiques que zootechniques qu’a eu la mise en place de l’acidifiant.

Crise
sanitaire
Après
acidification
Frais
Vétérinaires
En €/Porc
Antibiotiques1.75/Porc0
Acide00.8/Porc
Zootechnie et économie en PS et en engraissementTaux de pertes en PS, %1.801.30
Prix d'aliment 1er âge, €/t550.00550.00
Quantité d'aliment 1er âge, kg/Porc7.007.00
Prix d'aliment 2ème âge, €/t350.00350.00
Quantité d'aliment 2ème âge, kg/Porc20.0020.00
Taux de perte en ENGRAISSEMENT, %4.102.00
GMQ Sevrage-Vente (g/j)722.00745.00
Temps de présence en PS et ENGRAISSEMENT, jours159.00154.00
Prix payé par porc, €/kg carcasse1.301.30
Gain Net en € par porc3.09

Bilan :

Depuis la mise en place des acides en engraissement d’abord, puis en PS, les seuls antibiotiques utilisés sont des injectables faits au cas par cas sur des arthrites par exemple.

Au niveau des résultats technico-économiques, l’éleveur se dit très satisfait des acides et ne souhaite pas arrêter leur emploi. Il estime avoir gagné en croissance (5 jours d’après la GTE) mais aussi en sérénité, puisque les crises de mortalités subites ont cessé.

Une avancée importante à été faite dans cet élevage en trouvant une alternative efficace aux antibiotiques pour répondre à un problème sanitaire, avec un effet intéressant et prometteur sur la croissance et la santé digestive des porcelets.

Remerciements :

Nous souhaitons remercier notre éleveur pour leur collaboration et ses salariés pour avoir pris le temps de nous remettre les données GTE.